Société numérique: de quelle révolution parle t-on ?

Société numérique: de quelle révolution parle t-on ?

Je suis de ceux qui défendaient bec et ongle que l’avènement des Technologies de l’Information et la Communication était une véritable révolution.Vous retrouverez dans les archives de ce blog plus d’une fois cette affirmation.  Avec le recul, l’expérience,  de nombreuses rencontres échanges et confrontations, je m’interroge sur ce terme de révolution.. Je suis plus enclin à penser qu’il faille parler de bouleversement dans les modes de relation sociale et culturelle, dans les modes d’accès et de transmission des savoirs, dans l’organisation économique  …  !

Je ne minimise en rien ces bouleversements en cours, c’est une évolution majeure qu’il est  impératif d’accompagner, de ce point de vue je ne remet rien en cause( je ne vais quand même pas me tirer une balle dans le pied ;)), mais quand on évoque le terme « révolution »  de quoi parle-t-on?

Révolution selon la communauté wikipédia :

 » … Une révolution (…..) est, au sens politique ou social, un mouvement politique amenant, ou tentant d’amener, un changement brusque et en profondeur dans la structure politique et sociale d’un État, et qui se produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place et prend ou tente de prendre le pouvoir. Le terme de révolution peut être utilisé par un gouvernement se présentant comme révolutionnaire pour qualifier l’ensemble de ses politiques, alors même que sa prise du pouvoir est effective et achevée. Par extension, on appelle révolution tout changement ou innovation qui bouleverse l’ordre établi de façon radicale dans un domaine quelconque (la théorie héliocentrique est ainsi considérée comme étant une révolution scientifique)… «  voir l’intégrale de la définition de wikipédia

2011 est marquée par les révolutions Arabes, la première révolution à l’ère du numérique comme le titre Rue 89 du 14 janvier 2011 en évoquant la Tunisie.  Tout est dans le titre. Ce n’est pas le numérique qui fait la révolution, mais l’exaspération des gens face à un pouvoir corrompu et totalitaire. Que les réseaux sociaux aient été et soient dans cette situation des armes redoutables certes, mais  c’est  l’usage qu’en font les personnes  qui  font leur efficacité. C’est bien eux qui à travers les outils numériques ont mis en acte cette pensée d’Auguste Blanqui parlant de révolution: On ne peut pas changer sérieusement une société dans son ordre politique et social sans détruire l’idée philosophique qui en est la base.

Qu’en est-il chez nous?  Les bouleversements provoqués par le numérique sont profonds . Les temps d’échanges professionnelles ou personnelles se sont considérablement raccourcis, plus besoins de faire l’attente dans les files d’attente de nos administrations, nous consommons de plus en plus facilement sans sortir de chez soi, …  ! Certain affirme que sommes au cœur  d’une révolution qui bouleverse profondément le monde du marketing et des communications. Assurément, mais soyons clair  l’usage très imaginatif fait en ce domaine technologies du numérique ne remet pas en cause les fondements philosophique de notre société. L’évolution de la société perdure à travers le prism unique de l’économie . Ils ne faut pas compter sur les créateurs de Facebook, Google, Amazone et autres , pour révolutionner une société ou tout ce joue en bourse, ils y contribuent ! L’e-G8 fut leur consécration!

Du point de vue social le numérique contribue également à creuser des fossés :

  • Loin de libérer du temps pour la citoyenneté, les TIC contribuent dans les fait à augmenter l’allienation au travail plutôt que de valoriser sa fonction sociale .
  • Avec la dématérialisation galopante des services, ceux qui subissaient déjà l’exclusion sociale se voit encore plus privé de leur accès aux droits du fait de la complexité des services numériques et du manque de véritable plan d’accompagnement.
  • La gouvernance politique de notre pays ne se voit pas fondamentalement transformée parce que sur le fond il n’est pas sur que nombre d’élus soient prêt à remettre en cause une partie de leur pouvoir et redonner un sens à la démocratie. Leurs usages du numérique n’a pas fondamentalement changer la vision qu’ils donnent à voir de l’exercice de leur mandat, car ils n’ont pas libérer la parole et fouiller fondamentalement ce que les TIC pouvait changer dans leur exercice du pouvoir.

Ce n’est pas le numérique qui révolutionnera profondément ces constats, tout juste peut-il faire poser des questions. Il ne détruit en rien la base philosophique de la société capitaliste.

Oui, certain sont convaincus qu’avec le numérique nous détenons avons potentiellement des moyens accrus pour replacer au cœur de l’organisation de notre société la réponse au développement harmonieux de l’humanité, pour en changer la philosophie. Ils se mobilisent pour que dans des démarches participatives le plus grand nombres puissent maîtriser les outils mais aussi en comprendre les enjeux et agir. Je suis de ceux là! De ma place je contribue à ce mouvement, mais je veux aujourd’hui rester humble et réaliste. Ce n’est pas exclusivement notre action de sensibilisation aux usages  du numérique qui changera le cours des choses, mais bien un/des positionnements politiques, des partis pris qui s’appuient sur une autre conception de la société.

Réaliste car il faut bien constater  que des  colloques, rencontres et autres assises se multiplient, et que de plus en plus on y traite de la médiation numérique.  Je  n’y parlerais plus de révolution numérique de nos sociétés. Je ne le ferais plus car y est majoritairement porté  l’idée que l’acte d’éducation, de médiation doit-être neutre. Je continuerai à y défendre l’idée qu’il  faut défendre le principe de neutralité du net mais surtout pas celle de l’action éducative . À l’heure où chacun peut constater tant de désespérance et de souffrance il ne faut plus  s’effaroucher du terme politique et refuser de s’engager (quelques soit cet engagement). J’ai bien peur  et je constate qu’à force d’éviter le débat sur:  » la médiation oui mais pourquoi faire », on finisse par tourner en rond au profit d’échange sur la meilleur façon de faire maîtriser la technologie, ce qui n’a plus rien de révolutionnaire.

Pour ma part les choses sont claires je suis convaincu de l’opportunité du numérique et je continuerais à m’engager sans réserve dans le cadre d’une démarche d’éducation populaire . C’est un parti pris qui contribue à faire émerger l’idée qu’une autre société est possible, que face au désillusion du passé et au manque de perceptives d’une société à la dérive, il faut redonner un sens à notre action . Si la démarche d’éducation populaire ne fait pas la révolution elle permet de redonner un sens aux termes solidarité, l’imagination, le respect mutuel liberté … Et c’est déjà beaucoup!

 

2 réflexions sur « Société numérique: de quelle révolution parle t-on ? »

  1. Oui je pense que comme le livre le numérique à changer notre mode de communiquer, voir, apprendre, écouter, etc mais peut être retire t il aussi une dimension physique essentiel dans notre rapport au monde et virtualise notre perception de celui-ci il n’est pas question de ce déconnecté d’un sens aussi humain que la sensation charnel de tous nos sens, car c’est aussi de la communication. je crois que nous arrivons à une plus grande maturité de l’utilisation de cette outil.

  2. Jacques met les pieds dans le plat et s’interroge sur «cette révolution numérique» que j’avais, pour ma part, prophétisée, il y a près de 30 ans maintenant.

    En effet, dès 1983, de jeunes volontaires formateurs en Informatique (VFI) initiaient, à Roanne, des personnes en insertion professionnelle dans le cadre d’une structure d’insertion par l’économique, créée en 1980, par quelques pionniers dont j’étais. On ne parlait pas encore de fracture numérique. Mais, nous avions l’intuition que l’informatique allait «changer le monde». Il fallait donc que celles et ceux qui en étaient les plus éloignés puissent y avoir accès. C’était il y 30 ans déjà, une éternité ! Et, depuis cette époque, je n’ai cessé d’être fidèle à cette intuition dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’enseignement supérieur ou auprès de collectivités territoriales pour qu’elles s’engagent afin de favoriser l’accès pour tous aux Technologies de l’Information et de la Communication.
    Nous n’étions pas nombreux à défricher ce chemin semé d’embûches. Nous en avons expérimenté des pratiques, bidouillé des interventions, essuyé des échecs et des moqueries. L’histoire nous a donné raison et pourtant, je me sens de moins en moins militant de cette cause ! La glose, les discours, les codes de reconnaissance, les colloques, les chapelles, les églises, les gourous, les articles et les livres, l’emportent sur l’humilité des pratiques. Les TIC et leur accès génèrent du bruit, de plus en plus de bruit, de la fureur même. Avec la naïveté des nouveaux convertis, leurs zélateurs débitent un langage ésotérique et renforcent, par la magie d’un clic, à longueur de journée, le bruit assourdissant de la glose numérique. Ils ignorent cette phrase de St-Simon : «nos enfants croiront avoir de l’imagination, ils n’auront que des réminiscences.»

    Quand je relis nos échanges avec Denys Lamontagne, fondateur de Thot Cursus au Québec, quand je repense à ce que nous avions inventé avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse, quand je me remémore mes premiers balbutiements auprès des collectivités territoriales, dont celle de Grigny, je me dis qu’il a peu d’aspects qui avaient échappé à notre sagacité. Les TIC pouvaient révolutionner nos pratiques, ce n’est pas le cas ! Depuis 30 ans, le système éducatif n’a pas ou si peu intégré ces technologies dans sa pédagogie, la culture du travail collaboratif est toujours en friche, le renforcement du lien social est une vaste farce qui s’apparente à de la télé-réalité et…. ceux qui sont les plus éloignés des technologies restent les plus éloignés des technologies.

    Oui, cher Jacques, nous l’avons tant aimée cette révolution !

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