Lors de la table ronde conclusive de la biennale de la m@ison , Nicole Turbe-Suetens rappelait comment le conseil scientifique avait invité la m@ison à sortir de sa modestie. Je lui avais répondu qu’ils avaient eu raison, mais qu’il fallait que nous restions humbles !
Je crois qu’à ce moment je n’avais pas encore saisi toute la portée de cette proposition, notamment lorsqu’il nous invite à publier et faire effort de théoriser notre pratique. À y regarder de près nous ne sommes pas sortis de cette modestie.
La biennale passée j’ai pu de nouveau participer à un certain nombre de rencontres, colloques, … Le dernier en date est celui qui s’est tenu à Fontenay-sous-bois: Colloque Internet pour tous, Internet Solidaire le 3 février. Il fut beaucoup question des TIC et de la politique de la ville, de développement durable et d’internet solidaire. Je suis intervenu lors de la table ronde sur développement durable et solidarité pour présenter l’action de la m@ison.
Je m’étais préparé un plan insistant notamment sur trois notions :
- La nécessité de mobiliser, pour agir dans un cadre solidaire, les associations, les acteurs sociaux éducatifs et notamment ceux qui agissent dans le cadre de la politique de la ville afin de toucher les publics les plus éloignés.
- La nécessité d’avoir une approche par les usages, notamment dans le cadre de l’utilisation d’ordinateurs de réemploi, pour que l’accès au matériel neuf ne soit pas un passage obligé pour les uns et une excuse pour les autres de ne pouvoir agir.
- La nécessité de travailler à une véritable sensibilisation aux enjeux des tic, afin que l’ensemble de la population ait les clés de réflexion pour participer à la révolution majeure que vit notre monde.
Ces trois affirmations sont le fruit de toute une expérience accumulée dans l’action par la m@ison depuis 2002, à une époque où René Balme a lancé le projet. Nous étions regardés parfois avec beaucoup de scepticisme lorsque nous parlions de prochain risque d’une nouvelle rupture sociale, de possibilité de créer du lien social avec l’informatique ou tout bonnement de construire un projet participatif avec la population d’une ville et de le mettre en œuvre avec elle !
Aussi lorsque j’ai entendu :
- le contenu du compte rendu des travaux sur la table ronde politique de la ville, j’ai eu le sentiment d’avoir manqué à un devoir de transmission de savoir et d’expérience en n’ayant à aucun moment contribué alors que c’est toute l’expérience de la m@ison
- affirmer que Fontenay-sous-Bois était la première collectivité territoriale à engager une concertation avec la population pour concevoir sa politique numérique, alors que c’est exactement ce que nous avons fait et réalisé à Grigny de manière brillante, j’ose le dire, sept ans plus tôt. Je me dis que la modestie de la m@ison freine la reconnaissance de son propre travail et celui de tous les gens qui continuent à agir au quotidien dans le cadre de l’association.
J’ai pris conscience que la m@ison passait à coté de quelque chose.
La modestie de la m@ison rappelée par Nicole devient effectivement un handicap. Elle nuit également à sa réputation et à la reconnaissance de son travail. Nous avons parfois le sentiment que ce que nous faisons est ordinaire et normal alors que non. À force de ne pas contribuer, de ne pas publier (les trois quarts de nos réalisations ne sont même pas résumées sur notre site), nous nous isolons de certaines réflexions en cours, dans lesquelles nous avons tout à fait légitimement notre place. Alors que la m@ison jouit d’une reconnaissance certaine, à force de modestie nous faisons preuve de ce qui pourrait être perçu comme de l’égoïsme, au risque de faire passer notre humilité revendiquée pour du dédain ou la volonté de préserver notre savoir-faire. Le risque à court terme est d’avoir l’image d’une réputation surfaite. À penser que l’on a tout à apprendre des autres il ne faudrait pas oublier que les autres ont également besoin d’apprendre de nous !
Il parait que l’humilité consiste, sans méconnaître ses qualités, à admettre que l’on n’y est en fin de compte pas forcément soi-même pour grand chose. La m@ison ne méconnaît pas ses qualités ! Elle doit revendiquer le fait qu’elle y est pour beaucoup, ce qui ne doit pas l’empêcher d’être à l’écoute et de recevoir. Mais elle a aujourd’hui le devoir de donner. Peut-être faut-il qu’elle cesse d’être humble tout en préservant ce qui fait l’essentiel de sa démarche : le respect et la promotion des valeurs humaines !
À sa lecture on pourrait ce demander en quoi ce billet est utile, si ce n’est d’être l’exutoire d’une humeur ! C’est pour partie vrai, mais il a surtout pour but de contribuer à une réflexion engagée à ce propos au sein de la m@ison et de son partenaire essentiel, la ville de Grigny. Une réflexion qui vise à mieux faire connaitre ce que l’on fait, à mieux s’investir dans les travaux collectifs dans le cadre des réseaux et diverses commissions de travail.
Publier ce billet, c’est également faire partager ce point de vue à de nombreuses associations, qui n’ont pas pignon sur rue comme la m@ison, et qui développent de beaux savoir-faire, mais dont on ne connaît ni l’existence, ni l’évaluation, et donc l’intérêt.
C’est extrêmement sain d’exprimer son humeur lorsque ce n’est pas sur le dos des autres. C’est le résultat d’un travail intérieur qui va permettre de faire un pas de progrès et surtout de faire un travail d’inventaire et de positionnement pour identifier où sont les véritables valeurs ajoutées de la M@ison à cette date afin de partir de l’avant en étant fiers de ce que vous y faites et en le faisant savoir. Il faudra choisir les bons outils de communication et surtout aussi chercher à voir qui d’autres que les acteurs qui vous semblent naturels -les autres villes ou collectivités- pourraient bénéficier de votre expérience en faisant un bout de chemin d’apprentissage ensemble !
Modestie, humilité… malheureusement, il y un rival à toute initiative : le bruit assourdissant de ceux qui ne veulent pas écouter, mais qui parlent, bruit qui s’oppose au silence (relatif) des modestes, de ceux qui font.
Car plus j’avance dans cet univers plus je m’aperçois qu’il y a des travailleurs de fond et des travailleurs de surface. Malheureusement quand tu es au fond, ceux qui sont à la surface t’ignorent souvent, sauf quand d’un seul coup, revenant enfin aussi à la surface on s’aperçoit qu’ils ont depuis longtemps creusé leur galerie. En général on s’empresse de les renvoyer au fond, continuer de creuser car on est plein d’éloges pour eux. Mais c’est aussi pour ne pas nuire à ceux qui à la surface vont continuer leur bruit.
Travailler avec humilité et modestie, c’est d’abord regarder au delà de son propre intérêt, de sa propre reconnaissance, pour faire évoluer le bien commun, la vie sociale. Ce travail de toute la vie est essentiel, car c’est au fond de la mine que se construit le monde de demain. La surface sera vite balayée par la prochaine tempête médiatique qui soufflera et mettra en musique tous ces appeaux, qui finiront pas se taire, faute de vent…
Que cela ne nous empêche pas d’aller à la surface, de communiquer avec elle, mais pas sur leur terrain (trop fragile, trop éphémère), mais bien sûr celui des idéaux que nous partageons : celui de la dignité humaine qui, face au déferlement des TIC est bien évidemment constamment menacée, surtout ches les plus démunis
Courage et détermination
Bruno Devauchelle
[…] de la m@ison et dont le contenu a été provoqué par l’une de ses interpellations. « Quand la modestie dessert l’humilité et la reconnaissance du travail accompli ! » . Le commentaire qu’elle a laissé est à l’image de l’attitude et du rôle […]