Interwiew donnée pour le réseau Formavia
Bonjour M. Jacques HOUDREMONT, vous êtes directeur de la M@ISON de la formation de Grigny, pouvez vous nous parler de votre structure ?
La M@ISON est implantée à Grigny, ville de 7 900 habitants placée au sud de l’agglomération lyonnaise et à l’entrée de la vallée du Rhône.
La M@ISON de la formation est une association régie par la loi 1901 hébergée dans un équipement de la ville de Grigny qui porte le même nom. Elle développe un projet à vocation sociale dédié à la formation et au développement des usages de l’Internet et du multimédia auprès des populations de Grigny, Givors et des communes avoisinantes.
Le projet de la M@ISON est né en 1997 dans le cadre de la restructuration urbaine et sociale du quartier du Vallon. Cependant à l’origine ce que l’on appelait à l’époque la maison de la formation et des nouvelles technologies (MFTIC) avait pour mission d’héberger des organismes de formation et l’association créée en 1997 a permis à la ville de Grigny de répondre à l’appel à projet sur la formation à distance initiée par la région Rhône Alpes et débuter une première expérience de sensibilisation aux TIC.
En février 2002, alors que la MFTIC n’était pas encore construite, la première pierre du bâtiment a été posée en novembre 2002, que la première expérience n’avait pas été concluante et s’était soldée par la dissolution de l’association chargée de mettre en oeuvre la FAOD et la sensibilisation aux TIC et que la ville de GrignY avait créé avec la ville de Givors la communauté de communes Rhône Sud, René BALME a, au nom des élus de la communauté de communes Rhône Sud, engagé les acteurs socio-éducatifs des villes de Givors et Grigny, dans l’élaboration d’un plan de développement et de sensibilisation aux TIC pour les populations qui en étaient le plus éloignées.
Ce plan, conçu dans le cadre d’une démarche participative, impliquant dans sa conception les publics ciblés s’appuyait et s’appuie toujours à ce jour sur les principes suivants :
- Développement de l’action dans le cadre d’une mission de service public, afin de garantir l’accès pour tous.
- Développement des actions de proximités afin « … d’aller sensibiliser les populations là où elles vivent et sur la base de leurs préoccupations… » Cela s’est concrétisé par une action qui a notamment contribué à la renommée de la M@ISON, il s’agit des animations en appartement et dans les espaces publics.
- Intervention sur la base de contenu éducatif, formation, culture, de façon à ce que l’utilisation de l’outil ne devienne pas la finalité et que l’usage que l’on en fait fasse l’objet des sensibilisations. C’est ce qui explique encore aujourd’hui que dans sa fonction de pôle ressources, la M@ISON organise ses actions en partenariat avec une institution ou une association qui elle apporte le contenu.
- Développement du lien social via la mise en oeuvre de parrainage de réseau de compétence afin d’organiser la mise en commun des savoirs et savoir faire.
Les bases de ce plan, la démarche qui a prévalu à sa conception et à sa mise en oeuvre ont fait que le projet s’est développé rapidement en appui sur le réseau d’acteurs et de citoyens qui avaient conçu le plan de développement et alors même que le bâtiment n’était pas sorti de terre.
De 2003 à 2006, le projet s’est développé dans le cadre de la communauté de communes Rhône Sud, la M@ISON trouvant ainsi sa place d’espace public numérique, de pôle ressources pour les opérateurs socio-éducatifs du territoire de la communauté de communes Rhône Sud, mais également de pôle ressources pour le CDRA animé par le syndicat mixte Rhône PLURIEL.
Cette période fut marquée par :
- La constitution d’un conseil scientifique composé de personnalités internationalement reconnues pour leur expertise.
- L’attribution en 2004 de la Marianne d’or du sénat à René Balme pour l’originalité et l’exemplarité du projet.
- La même année l’attribution du meilleur projet numérique du Rhône attribué par le conseil Général du Rhône.
En 2005 la M@ISON organisait un colloque international, fortement soutenu par la Région Rhône-Alpes, dans le cadre des entretiens Jacques Cartier et intitulé ; « Accès pour tous aux TIC, Entre illusion et réalité ». 300 personnes ont participé à cette initiative qui a été marquée par le croisement de publics aussi divers que des chefs de projets, des scientifique, de publics visés par les projets présentés. Les débats engagés sur les différents thèmes (éducation populaire, solidarités, culture, économie, évaluation des politiques publiques) ont permis de mettre en exergue les atouts des différents projets mais aussi les difficultés. Cette rencontre a permis d’engager des partenariats et a vu la naissance de projets. La M@ISON récidive en créant les 7 et 8 décembre 2007 la « Biennale de la M@ison ».
Depuis le 1er janvier 2007, à la faveur de l’intégration des villes de Grigny et Givors au Grand Lyon et donc la disparition de la communauté de communes Rhône Sud, le projet de la M@ISON est géré, animé, par une association dont les membres fondateurs sont des personnes qui ont participé à l’élaboration et la mise en oeuvre du projet. Cette association est fortement soutenue par la ville de Grigny qui garantit ainsi la mission de service public sur son territoire, mais donne également la possibilité à la M@ISON de jouer pleinement sa mission de pôle ressources. La M@ISON inscrit résolument son action dans le mouvement d’éducation populaire.
Aujourd’hui les activités de la M@ISON se décomposent en quatre axes :
- Les activités au sein de l’équipement :
- Les B.A BA de sensibilisation qui donnent les bases pour utiliser l’outil et aident à la construction de parcours personnalisés permettant la découverte des usages et le partage des connaissances. Sont ainsi fournis les premiers pas en informatique Internet, photo numérique, vidéo et réalisation de sites Internet.
- Les Gros pl@ns qui permettent de s’approprier des thèmes d’actualité ou des usages et pratiques.
- L’organisation de réseaux d’échanges qui permettent aux adhérents de contribuer à la capitalisation des compétences et des connaissances notamment informatiques. Cela se traduit par la mise en place des lundi bidouilles, comité éditorial, après midi échanges de savoir, constitution de groupes thématiques (linux, logiciels libres,…).
- Les activités de pôle ressources sur le territoire d’attache (Grigny) avec la mise en place de projet avec des associations et institutions : Portails des solidarités, jeux d’éducation à la citoyenneté, travail sur la mémoire, portail associatif (en projet pour septembre), cybercommercants, outil d’évaluation TIC de la politique de la ville, démocratie participative….
- Les activités de pôles ressources pour Rhône PLURIEL et nos partenaires hors territoires d’attache comme la formalisation de ressources ( mise en ligne des démarches de la M@ISON, d’outils de formation, de support d’usage, en bref tout type de ressource permettant à nos différents partenaires de les aider dans leurs pratiques quotidiennes), la formation d’acteurs de terrain, la mise en oeuvre de plan de développement d’usage public….
- L’organisation de l’activité militante au sein de l’association pour que les adhérents trouvent leur place.
De fait, la M@ISON a développé une expertise et un accompagnement sur les domaines suivants :
- Découvrir et s’initier aux outils informatiques.
- Approfondir ou explorer les usages.
- Rencontrer des personnes et faciliter les relations.
- Participer et être acteur.
- Initier ou participer à des projets collaboratifs.
Elle le fait dans le cadre d’une approche personnalisée en appui sur les attentes des individus ou de ses partenaires.
Pour ce qui concerne, l’organisation et les ressources humaines, l’équipe s’est renforcée dans le cadre de la mise en place de l’association. Elle se compose comme suit :
- Un directeur,
- Un directeur adjoint chargé plus particulièrement de la conception des projets et de la pédagogie qui en découle,
- Une assistante de direction,
- Quatre animateurs et animatrices dont un seul à une formation initiale d’informaticien.
L’association occupe le plateau multimédia de la MFTIC et dispose d’un parc informatique d’une quarantaine d’ordinateurs sédentaires et mobiles.
Par ailleurs, l’association dispose cette année d’un budget de fonctionnement d’environ 200 000 euros composé à 84% d’une subvention de la ville de Grigny et pour le reste des fruits des participations des adhérents et partenaires. Avec les développements du pôle ressources, l’objectif est à court et moyen termes de parvenir à un taux de financement de la ville de Grigny à 60%.
Pouvez vous citer parmi vos dernières réalisations, celles qui selon vous ont apporté le plus de valeur ajoutée à vos différentes cibles et précisez comment vous en avez eu l’idée et réussi la mise en œuvre ?
Pour répondre à votre question, il faut indiquer la mise en place des réseaux d’entraide qui ont permis malgré la demande de plus en plus forte de répondre aux attentes des usagers en valorisant les pratiques et usages de chacun et en permettant l’investissement de bénévoles dans différents modules de sensibilisation, mais aussi en garantissant l’objectif de s’inscrire dans une action de développement social. A ce titre, il est possible de citer les exemples suivants.
Le portail des solidarités qui a permis à plusieurs associations qui ne se connaissaient pas et ne travaillaient pas ensemble même si elles partageaient des valeurs communes de développer des actions communes et partager des expériences et les TIC servent alors presque de prétexte à celles-ci.
Les jeux d’éducation à la citoyenneté qui permettent aux enfants d’utiliser des jeux en 3D pour :
- Se poser des questions quant à leur positionnement sur l’espace public,
- Ne pas consommer un jeu mais le créer,
- Valoriser les échanges de production,
- Engager des projets de solidarités comme notamment la plantation réelle d’arbres dans les écoles de Koupéla au Burkina Faso qui a été réalisé en 2005.
La convention de partenariat avec la Fédération des Francas Rhône Alpes qui a permis d’engager une véritable réflexion sur l’usage et le développement des TIC dans les actions d’éducation populaire, tant sur l’encadrement des activités que sur la formation des animateurs socio-culturels.
Le fonctionnement de pôle ressources pour le Territoire de Rhône PLURIEL qui nous pousse à imaginer nos interventions dans de nouveaux milieux alors que nous avons développé notre expertise en milieu urbain.
Quels sont vos points communs et vos différences par rapport aux EPN de la Région Rhône-Alpes ?
Nos points communs avec les autres EPN sont notre volonté de développer l’appropriation des outils par les populations.
Nous nous différencions peut-être sur le fait que notre action s’appuie sur des partis pris éducatifs, une approche sociale et citoyenne qui nous pousse au développement des usages sans écarter la nécessité de s’approprier les services. De ce fait nous n’avons pas des modules de formation et de sensibilisation formatés, mais une démarche pédagogique affirmée qui nous permet d’adapter chaque module de formation ainsi que l’accueil des publics de façon quasi individuel.
D’un point de vue général, nous concevons l’espace non en référence à quatre murs mais en référence à une ville, un quartier, une association, en bref à un espace social.
Appartenez vous à des réseaux ? Si oui lesquels et que vous apportent-ils ?
Nous appartenons au réseau des Espaces Publics Multimédia du Lyonnais. La M@ISON a intégré le comité de pilotage. Il nous apporte notamment :
- Echange d’expériences,
- Partage de la veille,
- Débats sur des problématiques liées à l’accueil, la formation et le développement des usages,
- La mise en partenariat concret autour de projets,
La participation à ce réseau nous évite également de nous enfermer dans nos certitudes mais aussi de nous affirmer dans nos partis pris.
Avec le réseau FormaVia, la Région Rhône-Alpes en co-pilotage avec l’Etat vise à faciliter l’intégration des TIC dans le secteur de la formation en tenant compte des besoins des territoires et en faisant participer les acteurs au travers d’une activité en réseau prenant la forme de communautés et de projets. Que pensez vous de cette initiative, comment vous positionnez vous par rapport à elle et quelle valeur ajoutée en attendez vous ?
Toute initiative permettant la mise en relation d’acteurs du terrain nous paraît intéressante, pour peu qu’elle parte bien de la réalité des acteurs de terrain, de leur préoccupation, et qu’elle soit une réelle plus value dans l’activité quotidienne, notamment pour éviter de « réinventer l’eau chaude ».
Ainsi cela amènera chaque acteur à s’engager de façon volontaire d’autant plus que la mise en oeuvre du réseau n’est pas contraignante et permette à chacun de s’impliquer selon ses moyens.
Concernant la mise en réseaux sur le volet formation, elle me paraît là encore intéressante si :
- Elle ne s’arrête pas uniquement à la formation à distance et que la dimension formation à tous les moments de la vie est bien prise en compte,
- Les communautés et les projets n’enferment pas dans une problématique, mais soient suffisamment ouverts pour que le partage soit le plus productif possible,
- La vision de la formation n’est pas réduite à l’aspect de la formation professionnelle, même si elle reste déterminante, mais également à la formation qui permet aux citoyens de s’impliquer dans les espaces citoyens, le cercle familial, la vie associative grâce aux usages des TIC,
Enfin il faut réfléchir à ce que les réseaux qui se sont déjà formalisés ne se sentent pas contraints à l’intégration d’un réseau régional mais trouvent un réel intérêt à participer à la nouvelle dynamique.
retrouvez l’intégralité de cette lettre sur le site www.formavia.fr